samedi 16 février 2013

Extrait 4 - écrit par Nahis

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Fly contemplait le paysage par la fenêtre. Elle lâcha un soupir devant les éléments déchaînés. Son amie l’avait pourtant prévenue, même pendant l’été, il arrivait parfois que le temps se dérègle et la mer, qui encerclait l’île, se révélait être un grand danger.
Le ciel ne cessait de s’assombrir, virant au gris comme au noir, les nuages alourdissant l’atmosphère. Parfois, des éclairs zébraient l’horizon et la pluie redoublait d’intensité. Un véritable ouragan ! Fly resserra la couverture qu’elle avait drapée sur ses épaules, frissonnant. Si le temps ne se calmait pas, elle devrait abandonner l’idée de se rendre à la fête de Taima. C’était tant mieux, elle ne voulait vraiment pas se retrouver nez à nez avec Lonan ! Pourtant Lucy y tenait dur comme fer ! Et la demoiselle n’était pas du genre à plier…
Elle tourna la cuillère dans la tasse de thé qu’elle tenait et qui lui brûlait les doigts. La boisson n’était pas assez sucrée. Elle la reposa sur la table de la cuisine en tendant l’oreille. Un bruit venait d’attirer son attention.
Un gémissement animal.
La jeune femme aux cheveux lisses reporta son attention sur Aquene. La pauvre chienne, allongée devant sa gamelle remplie de croquettes, se tordait en geignant. Ses pleurs torturaient Fly, qui ne savait pas ce qui causait cette souffrance. Elle passa une main sur le pelage de la mi-louve en espérant l’apaiser.
Mais la douleur de l’animal sembla s’intensifier. Inquiète, elle palpa le corps de sa chienne de compagnie, pour déceler une quelconque blessure. Même une écharde dans la patte pourrait la faire souffrir. Malheureusement, ce n’était pas aussi facile.
Elle repensa à l’intégralité de sa journée, coincée dans la maison, par ce temps d’orage. Qu’avait-elle fait qui puisse causer une douleur pareille à Aquene ? Cela n’avait pas de sens. La jeune fille adoptée, qu’Enola appelait Aponi, vint à la conclusion que les maux de la louve ne pouvaient venir que de la nourriture.
Elle prit le temps de détailler l’emballage de croquettes et découvrit que la nourriture était maintenant avariée de presque deux mois, deux mois !!!, alors qu’elle avait acheté le paquet la veille, lorsque le temps était encore propice à une balade ! Comment un magasin, même d’une petite ville, pouvait-ils se permettre de mettre en danger les animaux avec des aliments dont la date de péremption était dépassée ? Et s’ils reproduisaient la même chose avec les humains ?
Fly était si énervée, qu’elle aurait pu frapper quelqu’un sur le moment. Elle n’hésiterait pas à faire un procès au gérant de la superette. Au moment où elle décrochait le téléphone pour appeler les secours pour son chien, elle se rendit compte qu’il n’y avait pas de tonalité.
Super, pensa-t-elle, il ne manquait plus que ça. Et si je me faisais agresser ? Comment pourrais-je m’en sortir ? Foutu mauvais temps ! Tu as grillé la ligne ! Heureusement, il me reste mon portable…
Et quel portable ! Un appareil qui devait sûrement dater de l’âge de pierre. Il ne lui permettait pas de naviguer sur le net ou de profiter des dernières applications en vogue mais au moins, elle pouvait toujours appeler et recevoir des textos. C’était le principal.
Ne voulant pas prendre la route car elle avait trop peur de créer un accident, Fly choisit la solution la plus sûre : joindre son amie Lucy, arrivée dans la matinée, déjà sur la route et beaucoup plus confiante qu’elle au volant. Ensuite, elle pourrait les amener à la clinique vétérinaire. Son téléphone sonna et, comme si elle avait entendu ses pensées, son amie l’interpella à l’autre bout du fil :
– Un petit contretemps ma belle ! s’expliqua-t-elle avant même que Fly ne puisse ouvrir la bouche. J’étais chez ma coiffeuse, tu sais la fille dont je t’ai parlé, la jolie Kiona ! Je la connais depuis un bout de temps et, malgré son jour de repos, elle a accepté de me couper les pointes pour la fête de ce soir ! En sortant de chez elle, j’ai vu Ian… Bon je t’épargne les détails mais en gros, il m’a convaincue de l’accompagner voir une exposition de menuiserie. Oui son métier le suit partout on dirait… Bref, on a vraiment pas de chance, le temps est horrible et a déraciné plusieurs arbres. On a foncé dans un tronc pour finir dans le fossé.
– Mon dieu ! s’exclama Fly, perdant ses mots pour expliquer à Lucy le problème d’Aquene. Vous allez bien, où êtes-vous ?
– Ne t’inquiète pas, plus de peur que de mal. Par contre la voiture de Ian est bonne pour la casse et je crois bien que je vais devoir rester avec lui un bon bout de temps…
– Tiens, comme par hasard ! grinça Fly, ironique.
– Ne te moque pas ! On est au garage, avec Amarok. Je ne crois pas que tu l’aies déjà rencontré. C’est le seul mécanicien dans les environs et en plus de ça, il est très mignon… Je pense qu’il pourrait être ton genre, et toi le sien, ça ne fait aucun doute ! Si tu veux, je pourrais vous présenter, je suis très bonne pour faire les entremetteuses, et…
– Écoute Lucy, coupa Fly, c’est très gentil de ta part mais ce n’est pas la peine. Je suis certaine que ton ami doit être charmant et doué de ses mains – épargne-moi le sourire pervers que je sens à travers le téléphone, je parle évidemment de mécanique – mais ce n’est pas le moment. Je suis venue ici pour me remettre d’une relation, pas pour en commencer une autre ! Et figure-toi que j’ai acheté des croquettes pour Aquene et… Allo ? Allo ? Lucy ?
Fly grommela de frustration en comprenant qu’il n’y avait plus de réseau. Levant son portable préhistorique au dessus d’elle, elle cria de joie en voyant qu’elle captait « une barre ». Sans réfléchir, elle sélectionna le premier numéro, pensant que ce serait celui de son amie et parla avant même de connaître l’identité de son interlocuteur.
– Aquene est intoxiquée, je lui ai donné par mégarde de la nourriture avariée. Je m’en veux terriblement et je ne sais pas quoi faire ! Aide-moi, je t’en prie. Viens vite, s’il te plaît.
Sur ce, elle coupa la communication.

Cinq minutes plus tard, on sonna à la porte. Fly se campa sur ses pieds, auparavant agenouillée à côté de la chienne qui souffrait le martyr. Elle ouvra la porte à la volée et marqua une pause lorsqu’elle reconnut le nouveau venu : Lonan.
– Qu… Qu’est-ce que tu fais ici ? S’insurgea-t-elle.
Il est vraiment partout ! Dans ses rêves et maintenant, chez elle !
– Je faisais une petite brasse dans le lac à côté de chez toi, ça ne se voit pas ? la taquina-t-il, sarcastique, tout en montrant ses vêtements trempés.
Il pleuvait à torrent à l’extérieur. Pourtant, elle le laissait sur le perron, alors qu’il frissonnait et que de grosses gouttes coulaient de son menton jusqu’à sa poitrine, collant son t-shirt sur son torse musclé.
– Tu m’as appelé pour ta chienne, alors je suis venu, bravant vents et marées pour toi, ironisa-t-il. Tu me laisses entrer ou tu attends que je meurs enraciné, mouillé jusqu’aux os ?
Elle opina avant de refermer la porte derrière lui. Ce qu’il pouvait être désagréable ! Alors qu’il se défaisait de sa veste pour la poser sur le canapé, comme chez lui, elle décida de lui demander des explications.
– Je n’ai pas ton numéro et je pensais que je contactais Lucy, dit-elle comme pour elle-même.
– Eh bien c’était les coordonnées de la clinique vétérinaire. J’ai décroché, haussa-t-il les épaules en examinant la chienne pour lui masser le ventre.
– Vous n’avez plus de secrétaire ? demanda-t-elle, arquant un sourcil, avant de remplir une gamelle d’eau, comme Lonan lui indiquait.
– Elle a été bloquée par le temps, tout comme le Docteur Waban. En vérité, je suis le seul à m’être déplacé à la clinique. Tu as eu de la chance qu’elle ne soit pas fermée. Voilà, dit-il pour terminer, en glissant dans l’eau que lui apportait Fly, trois comprimés ronds qui fondirent instantanément. Dès qu’Aquene aura finit sa gamelle, ça ira mieux.
– Merci. C’est plutôt pas mal pour l’assistant d’un vétérinaire, sourit-elle, mauvaise.
– Je me suis contenté de lui donner des cachets, ce n’est rien, répliqua-t-il, modeste en caressant la chienne qui semblait déjà s’apaiser.

Fly fit de même et leurs mains se rencontrèrent sur le pelage soyeux de la bête. Aucun d’entre eux n’écarta ses doigts. Fly croisa le regard de Lonan et se maudit de lui accorder tant d’attention. En plus de ça, elle lui était maintenant redevable. Il avait sauvé sa chienne.
La jeune femme détailla son visage, ses yeux pétillants et ses cheveux gorgés d’eau et aplatis par la pluie. Quelques gouttes perlaient encore sur ses joues, comme de grosses larmes.
– Qu’y a-t-il ? susurra-t-il après une minute, rompant le silence en couvant Fly d’un regard intéressé.
– Rien. Je me dis juste que tu es trop près de mon visage.
Et de ma bouche, rajouta-t-elle en pensée.
– Je peux me rapprocher encore, si tu veux, proposa Lonan, taquin et joueur, conscient qu’il mettait Fly mal à l’aise.
D’un autre côté, le jeune homme ne se sentait pas aussi confiant qu’à l’accoutumée. Les lèvres de la jeune femme semblaient lui lancer un appel irrésistible mais le souvenir du baiser de Taima résonnait encore dans son esprit.

La porte de l’entrée s’ouvrit et des pas se firent entendre. Fly reconnut immédiatement le son des talons de Lucy, ainsi que les baskets boueuses de Ian. Mais une troisième paire de pas lui était encore inconnue.

– Merci de nous avoir ramenés Amarok ! C’est très gentil de ta part ! Je suis sûre que Fly voudra bien nous offrir un petit remontant après tant d’émotions ! Et à toi aussi, évidemment ! Quel bricoleur ! rajouta Lucy, charmeuse. Qu’est-ce qui te ferait plaisir ? Un café, un thé ou encore un cho… Oh, Lonan ! s’interrompit-elle. Quelle bonne surprise ! Je ne savais pas ce que tu étais là !
Elle glissa un regard appuyé vers son amie, dont les doigts étaient toujours enchevêtrés avec le pelage d’Aquene et la main de l’assistant du vétérinaire.

« Toi, tu as des choses à me raconter ma petite... » semblait dire ses yeux.

1 commentaire:

  1. Gé-nial! Peut importe ce que Fly fait, Lonan se retrouve toujours sur son chemin! Coincidence? Je ne crois pas =)

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