– Vous vous connaissez ? s'étonna Ian en regardant son ami.
– Non pas vraiment..., hésita ce dernier.
Alors que Fly allait prendre la parole, le gros chien
lui sauta dessus, la faisant tomber sur le lit et lui léchant à
plusieurs reprises le visage.
– On dirait que ce chien t'aime bien.
– Son maître ferait bien de le tenir un peu, lança
la jeune femme en repoussant l'animal.
– Le problème c'est qu'il n'en a pas, répondit le
jeune homme de son rêve. Je l'ai trouvé dans les bois hier soir et
depuis il ne me quitte plus.
– Tu es donc son maître à présent. Fais le
descendre de ce lit ! s'emporta Fly.
L'ami de Ian s'avança, mais alors qu'il allait tirer
le chien par le cou, ce dernier se retourna et lui montra les crocs.
Il tenta de lui parler doucement mais l'animal n'en eut rien à faire
et continua de grogner jusqu'à ce que son maître improvisé recule.
– Je crois qu'il s'est choisi une nouvelle maîtresse,
lança Ian.
– Très drôle..., râla Fly.
– Vous faîtes la paire tout les deux, vous semblez
avoir le même caractère, plaisanta le jeune homme dont elle ne
connaissait toujours pas le nom.
Fly le foudroya du regard et s’assit au pied de son
lit en repoussant l'animal qui se cala contre elle. La jeune femme se
leva. Le chien se redressa et s’apprêta à la suivre.
– Ah non ! Pas bouger le chien !
lança-t-elle.
L'animal obéit et se recoucha sans quitter Fly des
yeux. Elle noua finalement son peignoir et demanda à ses deux
visiteurs de l'attendre en bas pendant qu'elle se préparait. Ian et
son ami obtempérèrent puis, sortirent de la chambre.
Fly, enfin seule, se demanda comment tout cela pouvait
être possible. Comment avait-elle pu rêver d'un jeune homme qu'elle
n'avait encore jamais vu avant ?
Elle prit de quoi s'habiller dans sa valise et se
dirigea vers la salle de bain où elle prit une bonne douche bien
chaude. Puis, après avoir passé son jeans et son tee-shirt, elle
revint dans la chambre et vit que le chien n'avait pas bougé d'un
poil. Elle s'inquiéta alors de ce qu'elle allait bien pouvoir faire
de cet animal.
– Allez, viens le chien ! dit-elle.
L'animal se leva et la suivit d'un pas léger.
Ian et son ami étaient assis sur les tabourets de bar
de la cuisine et discutaient. Le jeune homme du rêve de Fly
expliquait à son ami qu'il ne la connaissait pas mais qu'elle lui
était apparu pendant qu'il dormait dans la voiture.
Fly se gratta bruyamment la gorge pour leur signaler sa
présence. Les deux jeunes hommes la regardèrent, un sourire idiot
sur le visage.
– Fly, je te présente Lonan, Lonan, voici Fly l'amie
de Lucy.
– LA Lucy ? s'enquit Lonan surpris.
– Oui ! Je dois retourner en ville, je vous
emmène ? proposa Ian.
– Il y a de quoi faire quelques courses ici ?
demanda Fly.
– Oui, il y a tout ce qu'il faut au centre-ville.
– Et un vétérinaire ? Si je dois le garder je veux
être certaine qu'il est en bonne santé.
– Le cabinet est à la sortie de la ville, Lonan pourra
t'y conduire, il y travaille.
– Ok.
Le chien ayant pris la place à coté de Fly sur la
banquette, Lonan dû monter à l'arrière du pick-up de Ian. Le
trajet se fit dans un grand silence, la jeune femme peu bavarde se
contentant de caresser la grosse tête du chien posée sur ses
genoux.
Comme ils en avaient convenu, Ian déposa Fly et Lonan
devant la maison de ce dernier. Il lui servirait de chauffeur pour
l'après-midi, mais il devait prendre sa voiture avant. Leur premier
arrêt fut au cabinet du vétérinaire où le jeune homme travaillait
comme assistant.
– Bonjour Lonan ! lança la secrétaire ducabinet. Je ne savais pas que tu travaillais aujourd'hui.
– Non, non. On voudrait juste montrer le chien au
docteur.
– Je vais le prévenir, il devrait pouvoir vous
prendre avant son prochain client.
– Merci.
Fly et Lonan allèrent s'installer dans la salle
d'attente. La jeune femme se questionnait beaucoup au sujet de son
rêve et surtout sur la présence de Lonan. Elle ne put s'empêcher
de se demander si son corps était vraiment comme elle l'avait vu
dans ses songes. Parfait ! soupira-t-elle.
C'est finalement l'arrivée du vétérinaire qui la
sortit de ses pensées.
Ils entrèrent tous dans une petite salle. L'homme
demanda à Fly ce qui lui valait cette visite. Lonan lui expliqua
qu'il avait trouvé le chien dans les bois, sur l'une des îles
sauvages voisines, et qu'il avait dû le ramener avec lui puisque le
chien l'avait suivi. Il lui rapporta ensuite la manière dont
l'animal avait adopté Fly le repoussant à coup de grognements.
Après toutes ces explications, le vétérinaire demanda
à la jeune femme de faire monter le chien sur la table
d’auscultation.
– Allez le chien, monte, dit-elle en tapotant la
table.
L'animal sauta directement. Le vétérinaire le regarda
de la tête aux pattes et en conclut qu'il était en parfaite santé.
Mais qu'il allait falloir changer de surnom, que « Le chien »
n'allait pas puisque l'animal était en fait une belle femelle
d'environ deux ans.
Sia
Aquene... Aquene... Aquene..., résonna inlassablement dans
sa tête jusqu'à ce que Fly énonce ce mot à voix haute, sans même
s'en rendre compte :
– Aquene !
– C'est un très
joli prénom qui convient parfaitement, Mademoiselle, car vous
semblez en effet l'apaiser, s'empressa d’acquiescer le vétérinaire
qui venait de terminer son examen.
– Je vous demande
pardon, docteur ?
– Je vous disais que
votre choix est parfait !
– Mon choix de
quoi ? Je ne comprends pas.
– Aquene... C'est
très judicieux puisque...
– Vous connaissez ce
mot ? le coupa-t-elle, intriguée.
– Bien sûr, mais
vous aussi puisque vous l'avez...
– Waban,
l'interrompit Lonan, je ne crois pas que la demoiselle soit au fait
de notre culture. Elle vient d'arriver sur l'île et...
– Quoi... Quelle
culture ? Qu'est-ce que..., rouspéta Fly. Je ne comprends rien
à ce qui se passe depuis cette nuit !
– Euh... je... Je ne
peux pas vous éclairer sur ce qui a eu lieu cette nuit Mademoiselle,
intervint le vétérinaire gêné, surinterprétant ces dernières
paroles. Mais ce que je peux vous assurer, c'est que cette chienne
semble avoir un lien très profond avec vous et qu'elle a adopté
cette appellation. N'avez-vous pas remarqué comment Aquene vous
regarde ? Il y a une connexion indéniable entre vous, je la
sens. Peut-être avez-vous la même avec Lonan, mais... je dois
avouer que les relations humaines sont bien moins aisées pour moi...
Je suis bien plus réceptif au langage animalier, qu'au langage
humain ! Toutefois, je perçois quand même une certaine tension
entre...
– Merci Waban pour
ce diagnostic clinique avisé... pour Aquene bien sûr ! Nous
t'avons assez ennuyé comme ça, il se fait tard, nous devons y
aller !
– Merci Docteur,
combien vous dois-je pour la visite ? se renseigna Fly.
– Rien
Mademoiselle ! C'est gentil à vous, mais je n'ai pas fait grand
chose. De plus, les amies aussi charmantes que vous de mon ADORABLE
assistant, insista-t-il pour s'amuser, sont les bienvenues et sont
reçues gracieusement. Pour une fois que Lonan...
– À
lundi, WABAN ! l'interrompit une nouvelle fois le jeune homme
embarrassé par l'épanchement de son patron. Bonne fin d'après-midi.
– Eh bien merci
beaucoup, répéta Fly qui ne souhaitait pas prolonger plus que de
raison cet instant scabreux. Au revoir.
La jeune femme sortit précipitamment du cabinet et avança de façon
hasardeuse sur quelques mètres. Aquene suivit de très près sa
nouvelle tutrice pendant que Lonan tentait de talonner celle qui
paraissait contrariée. Soudainement, elle s'arrêta près d'un
panneau publicitaire, se retourna vers lui, le transperça d'un
regard noir et l'interpella :
– C'était quoi ça ?
– De quoi
parles-tu, MISS AGRÉABLE ?! se moqua Lonan, un sourire sardonique aux
lèvres.
– Tu vois très bien
de quoi je parle !
– Ah, tu
sous-entends peut-être le fait que tu m'aies vu NU en train de nager
parmi la faune maritime. J'étais en train de rêver figure-toi, de
passer du bon temps comme j'aime le faire. Qu'est-ce que tu foutais
dans MON rêve ? C'est à toi de me le dire, non ?!
s'exclama-t-il à présent énervé. Et avant que tu te méprennes,
introduisit-il en radoucissant ses intonations, en principe quand je
fais de la plongée sous-marine, ce n'est pas un maillot de bain que
je porte mais une combinaison ! Comme là, j'étais en train de
RÊVER
tranquillement, enfin le croyais-je, je ne me savais pas
surveillé par une indiscrète, je m'accordais quelques libertés !
lui asséna-t-il narquoisement avant de compléter. Même si tu n'es
pas familière de cette activité, tu dois te douter que ce que tu as
vu n'est pas plausible !
– Ah ça, c'est
certain, MONSIEUR JE SAIS TOUT !!! rétorqua-t-elle équivoque.
Qu'est-ce qui se passe ici ? Pourquoi depuis que je suis
arrivée, une petite voix me susurre des paroles incompréhensibles ?
Pourquoi je pénètre dans les chimères TRÈS
étranges d'une personne que je n'ai jamais rencontrée de toute ma
vie ? enchaîna-t-elle avant que ses yeux ne se posent
fortuitement sur l'affiche d'une commerçante recherchant une
vendeuse. Et puis... ta... ta grand-mère a besoin d'une employée ?!
s'écria-t-elle en remarquant la photographie de celle qui lui était
apparue en rêve quelques heures auparavant.
Elle s'élança alors en trombe
vers l'herboristerie qu'elle ne connaissait pourtant pas, ignorant la
réponse de Lonan et lui faussant compagnie. Comme si ses
longues jambes étaient passées en pilotage automatique, ses pas
l'entraînèrent au bon endroit.
– Bonjour ! En
quoi puis-je vous être..., lança une vieille femme qui
s'interrompit dès qu'elle découvrit l'identité de la cliente
interloquée et rouge de colère. Aponi ? Que... que...
– Aponi... Aquene...
Votre petit-fils nu...
– Pardon ?
– Oui, enfin...
Lonan... Waban..., vous..., mes rêves..., votre voix..., l'océan...,
les poissons..., ces yeux verts amande...
– Fly, qu'est-ce que
tu fous, bon sang ?! s'exaspéra le jeune homme qui avait couru
derrière elle, accompagné d'Aquene et, qui venait d'entrer en
faisant valser la porte.
– Je crois que je
mérite quelques explications et ta grand-mère peut me les apporter,
j'en suis certaine.
– Oui, Aponi, en effet...
– Aponi ? s'alarma Lonan. Mais grand-mère
Enola, c'est... c'est...
– Oui, Lonan chéri, c'est bien Aponi Atironta !
– Je croyais qu'elle était morte quand...,
laissa-t-il mourir sa phrase.
– Non, Lonan ! Mes enfants, il est temps que
nous ayons une petite discussion. Je vais nous concocter une tisane
lénifiante, je pense que nous allons en avoir besoin.
Pendant de longues heures, Enola, la grand-mère
paternelle de Lonan, la dernière chamane d'une ancienne tribu
indienne et aussi, la gérante de l'herboristerie de la ville
principale de l'île de Skyde, leur révéla des secrets enfouis
depuis bien longtemps.
Elle commença d'abord par expliquer
à la jeune femme qu'elle se trouvait dans une ville où cohabitaient
paisiblement des personnes issues de cultures différentes. Certains
étaient canadiens, d'autres indiens. Par conséquent, de nombreuses
désignations lui étaient inconnues. Elle lui donna la signification
des prénoms déjà entendus. Lonan voulait dire « Nuage »,
Aquene « Paix », Waban « Vent d'Ouest »,
Enola « Esprit ouvert » et Aponi « Papillon ».
Puis, elle instruit cette dernière sur ses réelles
origines. La jeune femme était la fille d'un couple d'indien qui
disparut au lendemain de sa naissance. Ses parents étaient tous deux
issus de lignées nobles aspirant à de grands privilèges au sein de
leur communauté. Toutefois, après la venue au monde de leur premier
enfant, ils s'évanouirent dans la nature.
Enola qui avait toujours su qu'Aponi développerait des
dons spéciaux et notamment, celui d'influencer le cours des songes
d'un dormeur, prit la décision de la confier à un couple non indien
qui saurait la protéger. Si ses parents s'étaient éclipsés sans
crier gare, c'est que leur fille si attendue encourait un danger.
Bien qu'elle n'y croyait pas réellement, la chamane escomptait que
la jeune femme ne soupçonne jamais ses racines et mène une vie
ordinaire, dénuée de culture indienne qui pourrait l'exposer à
d'éventuelles menaces.
Cependant, la veille, en fin d'après-midi, une douleur
dans la poitrine, lui avait indiqué qu'une nouvelle énergie était
arrivée sur l'île. Une énergie qu'elle ne connaissait que trop
bien ! C'est pourquoi, elle n'avait pas osé fermer l’œil de
la nuit, se préparant du mieux qu'elle pouvait à cette situation
qui s'annonçait. Néanmoins, tantôt, le manque de sommeil lui
imposa une pause somnolente et, c'est ainsi, qu'Aponi, son petit-fils
et elle, avaient été réunis dans la même matrice. Elle n'était
donc pas le moins du monde surprise de la visite contingente de ces
deux-là. Maintenant que la jeune femme foulait la terre de sa patrie
natale, ses aptitudes endormies s'étaient ranimées.
L'initiation devait donc commencer si, celle qui
répondrait désormais au nom d'Aponi, espérait maîtriser cette
singularité qui risquait d'importuner autant les rêveurs
qu'elle-même.
Elle lui offrit donc la place de vendeuse et pourrait
ainsi lui enseigner tout son savoir.
Après cet intermède passionnant mais déstabilisant,
Lonan raccompagna Aponi chez elle et prétexta un rendez-vous pour la
fuir prestement. Il souhaitait mettre de la distance entre lui et
celle qui n'avait été, jusqu'à aujourd'hui, qu'une légende pour
le jeune indien.
Aponi quant à elle, fut soulagée d'être enfin seule.
Elle désirait un moment de solitude pour assimiler tout ce qu'elle
venait d'apprendre sur son compte. Elle avait ce désagréable
sentiment de ne plus se connaître.
Alors que l'encre de la nuit
chassait les dernières lueurs, assise sur le banc de sable non loin
de sa demeure, elle leva les yeux vers le ciel et, comme si elle
s'adressait à la lune qui était pratiquement pleine, elle
chuchota :
– Dire qu'en posant les pieds sur cette île, je
pensais que mon plus gros problème était Jérémy ! J'étais à
des kilomètres de la vérité !!! rajouta-t-elle bien plus fort
avant d'éclater de rire.
Ses spasmes nerveux se transformèrent très rapidement
en d'énormes sanglots. Aquene qui n'était jamais loin de sa
maîtresse, s'approcha d'elle et, s'allongeant près de son corps
frêle, posa sa gueule sur les jambes de celle-ci.
Même si elle estimait sa situation désespérée, elle
n'était plus seule. De jour comme de nuit, les âmes qui veillaient
sur elles étaient dorénavant nombreuses...
Erika
J'adore, tout simplement!! Lonan est un personnage a développé, il m'intrigue étrangement! Et le vétérinaire m'a bien fait rire, j'aime ce côté marrant de l'histoire!
RépondreSupprimerAh Lonan...
RépondreSupprimerIl nous réserve bien des surprises je pense...
Maintenant, hâte de connaître la suite que vous allez nous concocter ! Et, en l'occurrence, c'est Sandy qui s'y colle pour l'extrait suivant.
Vivement samedi prochain :)